« Je ne veux pas déranger… » Cette phrase, je l’entends à moult reprises, prononcée par des personnes de tout âge, dans les actions collectives de prévention de l’isolement que j’anime régulièrement.
Et aussi, comme tout un chacun, au détour, dans mon environnement personnel.
A ne pas vouloir « déranger » (ou être dérangé ?), le tissu de nos liens se délite. Ça se clive, ça s’ignore… ou pire, ça se regarde en chien de faïence : « vas-tu donc deviner ce que je n’ose te dire, ce quelque chose que je ne sais pas comment te demander ? »
Dérangeons donc ! Rendons explicites nos envies, nos besoins, nos aspirations… et ainsi offrons ce cadeau à l’autre : l’occasion de donner quelque chose de lui-même, d’être là, pour nous…
Dérangeons donc, cet ordre soit disant établi qui, à tant vouloir préserver l’autonomie, renie les liens d’interdépendance, relègue l’entraide comme une option alors qu’elle relève tant de la nécessité humaine.
Dérangeons donc ! Réinvestissons les liens qui nous sont chers, réenchantons-les, surprenons, proposons… sans agitation, sans attente ! Prenons ce risque d’aller vers, depuis nos intuitions, depuis l’élan du cœur (et sans rancœur !), résolument avec sincérité. Pour se retrouver, partager, célébrer, honorer les liens…
Dérangeons-nous donc les uns les autres ! Quitte à mettre à jour nos liens d’interdépendance. Affirmons-les, revendiquons-les, ajustons-les, en confiance, dans la joie de la réciprocité. Et ensemble faisons émerger d’autres formes, d’autres formes pour oeuvrer, faire famille, nourrir l’amitié, animer notre environnement de vie.
Dérangeons donc, que diable ! Mettons à distance ce qui fige, ces fonctionnements où pourraient se nicher quelques crispations. Invitons le jeu pour créer des ruptures, des suspensions, des espaces d’expériences… Questionnons les évidences pour explorer de nouveaux équilibres, de nouveaux possibles.
En 2023, dérangeons, plus que jamais, pour se relier, s’engager les uns les autres, et ainsi, peut-être conjurer la morosité, répandre un voile de douceur sur nos fronts froncés d’inquiétude, un brin de tendresse sur nos cœurs qui, pour un peu, n’oseraient plus espérer des jours meilleurs.
Emma Ould Aoudia, Co-fondatrice de Trame de Vie