Dans une société qui promeut le jeunisme, la performance, pas simple de se reconnaître comme une personne vieillissante…
Nous sommes, individuellement et collectivement, priés de nous penser comme êtres autonomes, et ceci le plus longtemps possible. Dans un mouvement de reflux qui impacte notre capacité à nous projeter dans un « devenir vieux » apaisé et inclusif.
Alors que… nous serions, et toujours dans une perspective individuelle et collective, d’autant plus autonomes que nous nous reconnaissons comme une personne en capacité de demander de l’aide. Donner, cela est pour chacun un acte spontané… mais qu’en est-il de recevoir, demander, accepter ? Nous sommes en prise avec un imaginaire collectif qui nous mettrait en situation de dette si nous recevons. Et au passage, reconnaître son besoin d’aide, ce pourrait être reconnaître sa vulnérabilité ? Du coup, nous faisons volontiers l’impasse sur cette nécessité, nous nous détournons des solutions d’aide ou de répit qui se proposent au nom d’un vaillant « je n’ai besoin de rien ni de personne »…Posture intenable à terme, nous en avons tous l’intuition.
S’inscrire dans le « cercle vertueux du don » (dans le prolongement des travaux de Marcel Mauss), c’est s’envisager interdépendant, c’est s’inscrire dans la réciprocité… bien loin du mythe du super-héros !
Se réinvestir soi-même comme une personne qui reçoit, rendre explicite ses besoins, c’est renforcer son autonomie, dans un mouvement d’adaptation croissante.
Et, vous l’aurez perçu, mon propos est au-delà de la question des « aidants familiaux »… Cela nous concerne tous, et nous avons peut-être à en faire l’expérience, l’apprentissage, tant que tout va… suffisamment bien ?
Emma Ould Aoudia – Novembre 2022